Chaque année, la Journée mondiale de l’aide humanitaire a lieu le 19 août pour rendre hommage aux travailleurs humanitaires et aux professionnels de santé qui risquent leur vie pour améliorer celles des autres. Cette Journée est également l’occasion de soutenir les personnes touchées par des crises dans le monde entier.
À cette occasion, Dr Laila Hessissen nous permet d’entrer dans son quotidien en tant que cheffe du Service d’hématologie et d’oncologie pédiatrique à l’hôpital des enfants à Rabat.
Dans ce cadre, je fais face à plusieurs défis professionnels et personnels. En voici quelques-uns parmi les plus importants :
Sur le plan professionnel :
Étant donné la situation économique de mon pays, les ressources médicales, y compris les technologies de diagnostic et les médicaments innovants, peuvent être limitées. Ceci risque d’entraver la qualité des soins que je peux offrir à mes patients et de donner lieu à un important écart en matière de survie et de qualité de vie parmi les enfants que nous prenons en charge par rapport à ceux des pays dotés de plus de ressources.
Le manque de financement et d’accès aux programmes de formation médicale continue peut rendre difficile le maintien à jour des connaissances de l’équipe soignante dans un domaine en constante évolution tel que l’oncologie pédiatrique.
La limitation des ressources signifie souvent que nous devons nous occuper de tâches ne relevant pas de notre domaine ou de notre sphère de responsabilité. Cet état de fait risque d’entraîner une charge de travail excessive, un haut niveau de stress ainsi que d’affecter la qualité des soins que nous devons fournir. Dans ce contexte, nous sommes également amenés à prendre des décisions et à faire des choix difficiles pour assurer l’accès équitable aux soins.
Certains patients viennent parfois de régions éloignées, ce qui peut leur poser des défis logistiques ainsi qu’à leurs familles et à nous-mêmes en tant que prestataires de soins de santé. Dans de telles situations, nous avons recours au soutien des ONG.
Le coût de certains traitements innovants pour des maladies hématologiques chroniques même bénignes et certains types de cancers de l’enfant peut être élevé. Nous pouvons également faire face à des périodes de rupture de stock de certains médicaments essentiels. En tant que cheffe de service, trouver des solutions pour rationaliser les ressources disponibles et offrir des soins se rapprochant le plus possible des standards internationaux reste un défi constant.
Sur le plan personnel :
Du fait de la charge de travail et des défis professionnels que je viens de mentionner, il peut être difficile de concilier une activité professionnelle exigeante et une vie de famille.
Travailler avec des enfants atteints de cancer peut être émotionnellement éprouvant. Le manque de ressources et les difficultés à obtenir les meilleurs résultats possibles pour mes patients peuvent m’exposer à l’épuisement professionnel. L’équilibre s’avère complexe à établir entre le fait de se protéger émotionnellement et de rester ouvert à toutes les émotions que génèrent les interactions humaines. Il peut être difficile de maintenir la motivation et l’engagement envers la profession et les patients face à des situations parfois décourageantes.
En fin de compte, en tant que cheffe du Service d’hématologie et d’oncologie pédiatrique au Maroc, je dois constamment trouver, pour mon équipe, des moyens innovants pour fournir des soins de qualité à mes patients malgré les obstacles. Cela nécessite une combinaison d’adaptabilité, de résilience et de dévouement envers la santé et le bien-être des enfants et de l’équipe se trouvant sous ma responsabilité.
Mesdames et Messieurs,
Je tiens à vous faire part d’une réalité qui me touche à la fois le cœur et l’esprit dans mon quotidien en tant que cheffe du Service d’hématologie et d’oncologie pédiatrique. Mon travail ne se limite pas à la science médicale et aux traitements ; il s’agit plutôt d’une lutte quotidienne pour susciter l’espoir dans la vie chez des enfants qui luttent contre le cancer et d’autres maladies hématologiques graves, dans des conditions qui mettent parfois à l’épreuve notre détermination et notre humanité.
L’impact émotionnel de notre travail est immense. Traiter des enfants atteints de cancer et d’autres maladies hématologiques signifie accompagner des familles à travers des montagnes russes émotionnelles, célébrant avec eux les victoires et les soutenant dans les moments de désespoir. C’est partager des sourires, mais aussi retenir des larmes, étant témoins de la lutte courageuse de jeunes vies contre une maladie implacable.
L’équilibre entre la vie professionnelle et personnelle est un défi constant. Les heures de travail émotionnellement éprouvantes, la recherche de solutions créatives et le besoin de rester à la pointe des connaissances médicales exigent une énergie et un engagement considérables. Tout cela doit être traité parallèlement à nos propres besoins personnels, notre santé mentale et notre vie de famille.
Cependant, malgré ces défis, nous ne perdons jamais de vue notre objectif ultime, à savoir : donner à chaque enfant la chance de guérir, de grandir et de réaliser son plein potentiel.
Alors, je vous invite, chers amis du monde entier, à prendre conscience de cette réalité. Sachez que la lutte est inégale pour offrir l’espoir en une vie meilleure aux enfants atteints de cancer et de maladies hématologiques graves. Au-delà de cette lutte, il y a des équipes médicales et administratives ainsi que des ONG qui s’y adonnent corps et âme, en faisant preuve d’acharnement et de détermination.