Le recours aux médicaments sans ordonnance contre la grippe n’est pas sans risque. Les médecins et les professionnels de santé ne cessent de mettre en garde contre cette pratique dont les conséquences peuvent être assez graves.
Le recours à l’automédication, particulièrement contre la grippe, est monnaie courante au Maroc. Des patients n’hésitent pas à acquérir des médicaments en vente libre sans recourir au médecin pour calmer les symptômes liés à la grippe comme la toux, l’éternuement et les maux de tête. Cette pratique n’est pas sans danger. Les médecins et les professionnels de la santé ne cessent d’alerter sur les risques de l’automédication tout en soulignant que les conséquences peuvent être assez graves dans certains cas.
Joint par «Le Matin», Dr Tayeb Hamdi, médecin chercheur en politiques et systèmes de santé, confirme que, de façon générale, le recours aux médicaments sans l’avis du médecin est une pratique extrêmement dangereuse. «Tous les médicaments doivent faire l’objet, et quelle que soit la maladie, doivent faire l’objet d’un avis médical sauf pour les vitamines et les compléments alimentaires», insiste-t-il. À propos de l’automédication contre la grippe, Dr Hamdi alerte sur le risque d’un faux diagnostic. «Les maux de tête, le nez qui coule ou encore des maux de la gorge sont des symptômes qu’on affecte systématiquement à la grippe alors qu’ils peuvent bien indiquer autre maladie nécessitant une prise en charge rapide pour éviter toute aggravation de la situation», souligne notre interlocuteur. Et de rappeler que «seul le médecin est habilité à diagnostiquer la maladie et le mode de traitement à suivre».
Dr Hamdi ne manque pas de pointer du doigt aussi le recours aux antibiotiques dès l’apparition des premiers symptômes. Il explique, à cet égard, que la grippe saisonnière est une maladie virale dont le traitement ne nécessite pas forcément un antibiotique. Pis encore, le médecin-chercheur fait savoir que la consommation fréquente d’un antibiotique conduit à ce que l’on appelle l’antibiorésistance c’est-à-dire que les bactéries se transforment et développent des mécanismes de défense diminuant, voire annulant l’action des antibiotiques qui la combattent. Dr Hamdi joint ainsi l’avis de la plupart des médecins qui ne cessent de rappeler que les antibiotiques ne sont prescrits qu’en cas de surinfection constatée chez le patient. À ce titre, le médecin tient à souligner que les parents ont développé ce réflexe d’administrer à leur enfant un antibiotique dès qu’il commence à tousser ou à éternuer. Ce phénomène est observé durant la saison de l’automne durant laquelle les enfants sont plus exposées au risque de contamination des virus.
Effectivement, il suffit de se rendre à n’importe quelle pharmacie pour constater que nombreux sont les parents qui achètent des antibiotiques sans avis du pédiatre. Une précision d’une grande importance : Le traitement de la grippe diffère d’un patient à l’autre. «Une personne âgée ne doit pas prendre les mêmes médicaments qu’une femme enceinte, un patient atteint d’un cancer ou encore un jeune qui ne souffre d’aucune maladie sévère», souligne-t-il. En d’autres termes, le médecin indique qu’il n’y a pas de traitement «standard» contre la grippe que la pharmacie peut délivrer. «La prescription des médicaments se fait par le biais d’un médecin qui prend en considération plusieurs facteurs, notamment l’âge, les autres maladies dont souffre le patient, son allergie à des composants du médicament ainsi que sa capacité à résister au virus», explique-t-il.
Sur ce volet, le médecin précise que la prise de médicaments, même anodins en apparence, présente toujours des risques d’effets secondaires et que chez les personnes âgées, le vieillissement physiologique et la fréquence de maladies associées accroissent ce danger. De même, note-t-il, les médicaments restent plus longtemps et en plus grande quantité dans l’organisme. «Leur élimination rénale ralentie, leur accumulation dans les graisses et leur passage plus agressif dans le cerveau rendent les personnes âgées beaucoup plus fragiles face aux médicaments», précise-t-il. Un autre danger de l’automédication, et non des moindres : l’usage abusif ou détourné des médicaments. C’est ce que les médecins appellent le mésusage. «Ceci peut prendre de multiples formes comme les erreurs de posologie et la prise simultanée de différents médicaments modifiant mutuellement leur efficacité. Ce danger est présent avec acuité chez les personnes âgées et celles à immunité affaiblie. Cette catégorie de la population nécessite une surveillance pour éviter toute aggravation de leur situation», note le spécialiste.
Le spécialiste lance, par ailleurs, un appel aux personnes vulnérables, pour recevoir leurs vaccins contre la grippe. Il appelle aussi l’ensemble de la population à compléter leur schéma vaccinal contre la Covid-19 pour éviter les formes graves de la maladie et les décès. Ceci est d’autant plus important cette année puisque le risque d’une co-infection Covid-19 et grippe saisonnière est toujours présent, la Covid-19 n’ayant pas encore disparu de la société. Soulignons, par ailleurs, que l’automédication peut concerner aussi bien la médecine moderne que la médecine traditionnelle. Des études ont montré que les Marocains ont tendance à recourir davantage aux plantes et aux produits de la pharmacopée traditionnelle pour se faire soigner, ce qui n’est pas non plus sans danger. Selon le Centre anti-poison et de pharmacovigilance du Maroc, quelque 4% des personnes intoxiquées par les plantes et produits de la pharmacopée traditionnelle décèdent. La vigilance est donc de mise !
Source : lematin.ma